PARIS (AFP) - 16/09/2006 16h42 - Une pandémie de grippe impliquerait des choix difficiles pour les soignants devant décider qui hospitaliser, alors que la vie sociale serait désorganisée et la liberté de déplacement restreinte, selon les participants à un colloque intitulé "Ethique et pandémie grippale". Il est important d'aborder "à froid" les questions morales, a souligné vendredi le ministre de la Santé Xavier Bertrand, lors de l'ouverture du colloque à Paris, rappelant qui si la menace d'une pandémie demeurait, le virus aviaire H5N1, hautement pathogène, restait à l'origine d'une maladie avant tout animale. Pour éviter la contagion, les salariés non indispensables pourraient être invités à rester à domicile et les employeurs à favoriser le télétravail, mais il faudrait néanmoins maintenir une "vie sociale minimale", a relevé le ministre. "L'épidémie, c'est la guerre", a estimé de son côté Xavier Emmanuelli, fort de son expérience à Médecins sans frontières. De la "déferlante" du début à la phase de reflux, "où l'on fait le bilan du désastre humain, mais aussi sociétal", dix à douze semaines peuvent s'écouler durant lesquelles "vont pulluler les héroïsmes spontanés", côtoyant les "attitudes de fuite" par peur de la contagion sur fond de "surenchère médiatique" et de rumeurs, a-t-il présagé. Les pharmacies, les urgences des hôpitaux seraient "soumises à une pression considérable", la population "essayant de se procurer à tout prix les traitements curatifs", a ajouté le Dr Emmanuelli, président fondateur du Samu social de Paris et du Samu social international. Les stocks d'antiviraux constitués devraient toutefois permettre, selon M. Bertrand, "d'éviter d'avoir à choisir un ordre de priorité pour toute personne malade" pour ce type de traitement. Mais qui aura droit aux premiers vaccins, aux lits de réanimation qui seront une "ressource rare" malgré le doublement des capacités d'accueil, prévu par le plan français de lutte contre une pandémie grippale?, s'est interrogé le Pr Bernard Régnier, chef du service de réanimations médicales et infectieuses (CHU Bichat-Claude Bernard, Paris). Il s'agit de la "pénurie la plus concrète", a-t-il dit, car décider d'une admission ou non en réanimation peut revenir à choisir entre la vie et la mort d'un malade. En outre, selon lui, faut-il donner la priorité au maximum de "vies sauvées", "d'années de vie" ou "d'années de vie de qualité"; tenir compte de l'état de santé du malade, de son âge, de son espérance de vie, des investissements faits par la société pour le former? Le plan français prévoit de vacciner en priorité les professionnels de santé et du secteur pharmaceutique, les personnes vulnérables ainsi que les professions indispensables au fonctionnement du pays (approvisionnement, énergie, sécurité, transmissions), a rappelé le Pr Reigner. Aux Etats-Unis, des forums-citoyens ont été invités à faire des choix similaires, pour vérifier ce qui serait jugé "socialement acceptable". Une expérience dont la France pourrait aussi s'inspirer, a-t-il estimé. D'autant qu'au nom de la protection collective, une pandémie entraînerait aussi une restriction des libertés individuelles: mises en quarantaine, limitations des déplacements, contrôles aux frontières... |