Comment l'homme résiste à la GA
ARTICLE DU FIGARO 24 MARS 2006 Jean-Michel Bader
DEUX ÉQUIPES de chercheurs, aux Pays-Bas et au Japon, ont publié simultanément, l'une hier sur le site internet de Science et l'autre dans la revue Nature, leurs analyses du mode d'attachement des différents virus de grippe aviaire ou humaine sur les différentes cellules des organes cibles de plusieurs espèces. Cette recherche est très utile pour comprendre pourquoi la transmission interhumaine est si rare, et pourquoi la barrière d'espèce entre oiseaux et hommes nous protège encore efficacement. Le virus privilégie la profondeur du poumon C'est un problème simple de serrurerie moléculaire. Les virus ont des clés pour ouvrir, grâce à des serrures spéciales à la surface des cellules qu'ils attaquent, les portes d'entrée qui leur permettront de coloniser leur victime et de s'y multiplier. Or les clés des virus d'oiseaux, dont le H5N1, préfèrent des serrures spécifiques qui sont rarement présentes sur les cellules de l'arbre respiratoire humain. Albert Osterhaus (Erasmus Medical Center de Rotterdam) explique, dans Science du 23 mars 2006, qu'il a comparé les modes d'attachement du virus H5N1 aux cellules de l'appareil respiratoire de l'homme et de quatre espèces animales. L'équipe néerlandaise a utilisé un virus H5N1 hautement pathogène isolé chez un jeune garçon au Vietnam en 2004 et a pris comme cible des tissus normaux de l'appareil respiratoire inférieur (alvéoles, bronchioles, bronches) et des prélèvements de trachée de trois individus des espèces suivantes : homme, souris, furet, macaque et chat domestique. Chez l'homme, le virus H5N1 s'attache surtout aux pneumocytes de type 2, aux macrophages alvéolaires et aux cellules épithéliales cuboïdes, toutes cellules surtout présentes dans le fond des poumons. Plus on remonte dans l'arbre respiratoire, moins le virus s'attache facilement. Tout cela est assez cohérent avec les données anatomo-pathologiques trouvées sur les cas mortels d'infection humaine due au H5N1 : les dégâts sont le plus souvent diffus et alvéolaires, et la trace du virus H5N1 est surtout présente dans les pneumocytes de type 2. Selon Albert Osterhaus, la prédilection du virus pour ces pneumocytes et pour les macrophages contribue à la sévérité des lésions pulmonaires observées. Les pneumocytes sont les cellules les plus nombreuses du poumon : en s'y attaquant, le virus est assuré d'une production abondante de particules virales, il empêche la cicatrisation pulmonaire, les transports et les échanges ioniques, la production de surfactant (une protéine qui améliore les échanges gazeux). Les macrophages sont aussi une cible favorite du virus, car ils bloquent naturellement la réplication virale, et organisent la réponse du système immunitaire à l'infection. Pour Albert Osterhaus, le fait que le virus privilégie la profondeur du poumon de ses victimes humaines explique qu'il ne se transmette pas facilement d'un homme à l'autre, par la voie respiratoire. En effet, pour être facilement crachés dans les gouttelettes de la toux, il faudrait que la production de virus soit surtout localisée dans la trachée et les grosses bronches, ce qui n'est pas le cas. Mutation de la souche Hongkong du H5N1